Bilan de l'économie mondiale
- Julia Agard

- 16 janv.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 sept.
Résumé des perspectives économiques mondiales, en tenant compte du contexte politique national et de la géopolitique.

L’économie mondiale a fait preuve de résilience cette année, bien que la vigueur de l’activité ait varié selon les pays et les secteurs. L’inflation a continué de se modérer, et le taux d’inflation global est désormais revenu dans les objectifs fixés par les banques centrales pour la majorité des économies. Les tensions sur les marchés du travail se sont également atténuées, bien que les taux de chômage demeurent généralement proches de leurs niveaux historiquement bas. Toutefois, plusieurs risques pèsent sur une projection centrale, par ailleurs relativement positive. Parmi les principaux, on retrouve l’intensification des tensions géopolitiques, une inflation potentiellement plus persistante que prévu, ainsi qu’une réévaluation brutale des risques sur les marchés financiers.

La croissance mondiale devrait rester stable (en partie)
La croissance du PIB mondial devrait légèrement s’affermir, atteignant 3,3 % en 2025, et se maintenir à ce niveau tout au long de 2026. Dans les économies de l’OCDE, la croissance du PIB devrait rester modeste par rapport à son niveau d’avant la pandémie, se chiffrant à 1,9 % en 2025 et en 2026. Pour les économies non membres de l’OCDE, la croissance agrégée devrait également rester stable, proche de son rythme actuel, l’Asie émergente demeurant le principal moteur de la croissance mondiale.

L'inflation devrait poursuivre son repli
Le recul de l’inflation globale s’est poursuivi dans la majorité des pays tout au long de 2024, soutenu par de nouvelles baisses des prix des produits alimentaires, de l’énergie et des biens. Toutefois, dans le secteur des services, la hausse des prix demeure persistante, atteignant environ 4 % dans l’économie médiane de l’OCDE en septembre. À l’avenir, dans les pays du G20, la hausse annuelle des prix à la consommation devrait continuer de diminuer et revenir à l’objectif d’ici la fin de 2025 ou au début de 2026 dans presque toutes les grandes économies.

Face aux fortes pénuries de main-d’œuvre, il faut agir avec détermination
Malgré une certaine détente observée sur les marchés du travail, les pénuries de main-d’œuvre et de compétences demeurent très prononcées. Au cours de la dernière décennie, les taux d'emplois vacants ont presque doublé, avec des hausses particulièrement marquées dans des secteurs comme la santé et les technologies de l’information et de la communication. Le vieillissement de la population aggrave ces pénuries et devrait accélérer ce phénomène dans les décennies à venir. La persistance des pénuries de main-d’œuvre pourrait freiner la croissance économique et empêcher de réaliser le plein potentiel de la double transition numérique et écologique. Pour y remédier, les secteurs public et privé devront investir dans le perfectionnement et la reconversion des compétences, tout en réformant les systèmes d’enseignement et de formation tout au long de la vie afin que la main-d’œuvre puisse répondre aux besoins émergents.
Le terrain des incertitudes : politiques, sociales, géopolitiques
Notre scénario central, tel qu'il ressort des Perspectives économiques, présente une image de résilience. Cet optimisme est toutefois tempéré par l'ampleur des incertitudes. Les fortes tensions géopolitiques risquent d’entraîner des perturbations sur les marchés de l’énergie et dans les chaînes d’approvisionnement, provoquant potentiellement une hausse de l’inflation et un ralentissement de l’activité économique. Plus généralement, ces tensions ont perturbé les échanges tant dans les économies avancées que dans les économies émergentes, accentuant l'incertitude quant à l’évolution future du commerce mondial. Un environnement commercial plus protectionniste et fragmenté, caractérisé par des politiques de repli sur soi, aurait des répercussions négatives sur la concurrence, ferait grimper les prix et nuirait à la productivité et à la croissance, impactant également le potentiel de rattrapage des économies de marché émergentes.

Les autorités monétaires devraient continuer d’assouplir leur politique, mais doivent rester prudentes
À mesure que l’inflation se modère et converge vers les objectifs des banques centrales, l’abaissement des taux directeurs doit se poursuivre dans les économies avancées. Cependant, le calendrier et l’ampleur de ces baisses doivent être soigneusement étudiés, en tenant compte des données économiques disponibles. Cette approche permettra de garantir que les tensions inflationnistes puissent être durablement contenues sans compromettre la stabilité économique. En effet, des baisses trop rapides ou trop importantes des taux pourraient raviver des pressions inflationnistes, comme l’ont montré les expériences passées, notamment après la crise de 2008, où un assouplissement monétaire trop généreux a conduit à des déséquilibres économiques à long terme. Ainsi, les banques centrales doivent adopter une stratégie équilibrée, fondée sur des modèles économiques et des indicateurs de dynamique inflationniste, pour ajuster leurs politiques en fonction des conditions économiques spécifiques.
Les pouvoirs publics doivent intensifier leurs efforts d’assainissement des finances publiques
Des mesures budgétaires décisives sont nécessaires pour assurer la viabilité de la dette publique, préserver une capacité de réponse aux futurs chocs économiques et financer les dépenses sociales à venir. À ce titre, l'expérience des années 2010, où plusieurs pays ont dû ajuster leurs budgets après la crise financière, montre qu'un assainissement budgétaire trop brutal peut freiner la reprise économique. Ainsi, les efforts doivent se concentrer sur un ajustement progressif, accompagné de réformes fiscales permettant de diversifier les sources de revenus. L'optimisation des dépenses publiques, en ciblant des secteurs stratégiques tels que la recherche et le développement ou les infrastructures durables, sera essentielle pour préserver une trajectoire de croissance à long terme. En outre, des politiques fiscales orientées vers une taxation progressive, associée à des incitations à l'investissement dans l'innovation et la transition énergétique, permettront de renforcer la résilience budgétaire et de garantir un équilibre à moyen terme. L'État devra investir dans l'innovation verte afin de jouer un rôle moteur dans ce domaine d'innovation pour l'avenir.
Les pouvoirs publics doivent mener des réformes structurelles ambitieuses pour améliorer les fondements de la croissance
Depuis la crise financière mondiale, la production potentielle a globalement diminué, tant dans les économies avancées que dans les économies émergentes. Cette baisse de la croissance potentielle est attribuable à divers facteurs, tels que le vieillissement démographique, la stagnation de la productivité et l'insuffisance des investissements dans les infrastructures et l’innovation. Pour stimuler la productivité et renforcer les fondements de la croissance, des réformes structurelles sont indispensables. Celles-ci devraient viser à améliorer les systèmes éducatifs et la formation continue, en intégrant les nouvelles technologies dans les curricula et en facilitant l’accès à des formations spécialisées dans des secteurs clés tels que l'intelligence artificielle, les énergies renouvelables et la biotechnologie. Par ailleurs, des réformes visant à réduire les obstacles à l’investissement, ainsi qu’à favoriser la mobilité de la main-d'œuvre, sont cruciales. Une meilleure régulation des marchés du travail et des produits permettra de stimuler l'innovation, tout en réduisant les frictions économiques. Enfin, ces réformes doivent être soutenues par des investissements publics dans des domaines où les défaillances de marché sont particulièrement aiguës, comme la recherche fondamentale, les infrastructures vertes et les systèmes de santé.
La politique de la concurrence : une composante essentielle de l’économie mondiale

La politique de la concurrence est désormais une composante essentielle du cadre juridique et institutionnel dans lequel fonctionne l’économie mondiale. Autrefois analysées principalement comme un phénomène national, les pratiques anticoncurrentielles ont aujourd’hui une dimension internationale croissante, notamment avec l’essor des technologies numériques et l’intégration des marchés mondiaux. Si l’arrivée des technologies numériques (DT) a bouleversé le commerce mondial, cette évolution représente une menace pressante depuis plusieurs années (2019). L’émergence des BRICS, qui renforcent leur coopération, constitue également un facteur clé. Ensemble, ces pays forment une puissance mondiale à surveiller de près, surtout face aux menaces liées aux DT. Cette union pourrait potentiellement constituer un contrepoids sur de nouveaux marchés, rivalisant avec les grandes économies mondiales.
Le risque de formation de monopoles, particulièrement dans les secteurs numériques, soulève des questions cruciales sur la préservation de la concurrence. Les entreprises dominantes dans ces secteurs peuvent restreindre l'innovation, accroître les barrières à l'entrée et fixer des prix élevés pour les consommateurs. De plus, la question des entreprises publiques et le rôle de la politique industrielle sont des enjeux importants, notamment dans les économies émergentes. Il est essentiel de préserver la neutralité concurrentielle dans ces économies, afin d'éviter que des entreprises soutenues par l'État ne bénéficient d’avantages déloyaux, perturbant ainsi la concurrence. Ces problématiques devront être abordées dans les 32 mois à venir, alors que la mondialisation et les nouvelles dynamiques de marché continuent de se redéfinir.
Un équilibre entre résilience et vigilance pour l'économie mondiale
L'économie mondiale se trouve à un carrefour où résilience et incertitudes cohabitent. Si les signes d’apaisement de l’inflation et la stabilisation de la croissance mondiale à moyen terme dessinent un horizon encourageant, des défis systémiques demeurent. Les pénuries de main-d'œuvre, l'évolution des tensions géopolitiques et les transformations profondes induites par les transitions numérique et écologique exigent une action concertée et proactive.
Les priorités pour les décideurs publics et privés sont claires : maintenir une discipline budgétaire stricte, tout en favorisant des réformes structurelles ambitieuses pour renforcer les bases de la croissance et de la productivité. Parallèlement, la politique monétaire devra trouver un équilibre délicat entre assouplissement et vigilance face à une inflation qui reste incertaine dans certains secteurs. Il est crucial de préserver une concurrence saine, notamment sur les marchés numériques, et de s’adapter aux bouleversements du commerce mondial. Cela implique une coordination internationale renforcée, en particulier face à des blocs émergents comme les BRICS. L’intégration des géants de la tech soulève des questions qui vont bien au-delà de l’éthique et nécessitent une surveillance rapprochée, car leur influence dépasse largement le domaine économique et touche les fondements mêmes de la société.
Enfin, ces dynamiques nous montrent que ce ne sont pas seulement les chiffres qui comptent, mais leur impact direct sur la vie des citoyens. Ainsi, la question du pouvoir d’achat devra être abordée avec la plus grande attention au niveau national, afin d’apaiser les tensions économiques et éviter qu’elles ne menacent l’équilibre social et politique des pays.
Dans un monde actuel, construire une économie "résiliente et inclusive" exige une approche équilibrée : saisir les opportunités offertes par les avancées technologiques et la coopération multilatérale tout en répondant fermement aux menaces susceptibles de compromettre la stabilité et la prospérité mondiale. Ce chemin, bien que complexe dans le contexte, est indispensable pour façonner un avenir durable et équitable. Résister et innover seront sans doute les mots d'ordre que l'Europe devra porter pour rester compétitive sur la scène mondiale.
Source: OECD
Auteur : Julia Agard©



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